[RP2] Entretien secret avec le Ministre Varsalance

La séance du Conseil d'État était enfin finie. La réforme du Code d'Administration avait été adoptée. L'Empereur hésitait encore à la transmettre directement à la Diète ou à la faire passer par décret. Il est vrai que s'il choisissait la deuxième solution, il tournerait le dos à tout le mouvement de libéralisation enclenché depuis plus d'un an, un mouvement qu'il avait souhaité au nom du « couronnement de l'édifice impérial ». Or, cette libéralisation impliquait bien entendu d'associer les députés élus, la Diète, aux réformes qu'il entendait mener pour le bien de la Nation, pour l'Empire. Se levant de son siège de Président du Conseil d'État, il prit congé des membres de l'assemblée en question et se dirigea vers son cabinet. Une fois arrivé, enfin seul, isolé, il posa l'ensemble des dossiers qu'il avait dans ses bras sur son bureau. Il jeta un coup d'œil vers Elbêröhnit dont on voyait que quelques travaux avaient commencé, mais pas encore ceux de l'Avenue de l'Empire... On toqua à la porte :

- Votre Majesté ?
- Oui ?
- Monsieur le Chancelier de Leurs Majestés Impériales, Ministre de l'Échiquier et de l'Intérieur et sénateur d'Empire, Maire de Varsalance, le Duc Etzel Ito de Varsalance demande à être reçu, répondit son secrétaire particulier Charles Degaulle.

L'Empereur sourit en entendant la très longue énumération des titres du Ministre Varsalance. Il se demanda si le cumul ne le gênait pas dans son action. Visiblement, non. Il avait toujours rempli ses missions avec efficience et célérité. Pourquoi changer alors ?

- Dîtes-lui d'entrer.

Le Duc entra et présenta ses respects conformément au protocole impériale à l'Empereur des Belondaures Nabelnine Ier.

- Vous souhaitiez me parler de mouvements indépendantistes Monsieur, n'est-ce pas ? Je suis toute ouïe.

Au terme d'une séance du Conseil où l'ennui avait trouvé sa place, le Ministre de l'Echiquier et de l'Intérieur avait décidé de profiter de sa promiscuité avec l'Empereur pour s'entretenir avec lui des récents arrêtés qui avaient été pris, et notamment celui portant sur la prohibition de l'emploi des patois et autres idiomes provinciaux ; le Duc de Varsalance s'était ainsi accordé vingt minutes de pause postérieurement à la tenue de la séance aux fins de remettre de l'ordre dans ses papiers avant de croiser le Secrétaire particulier de l'Empereur et de lui ordonner, plus que solliciter, une audience avec Sa Majesté Impériale. Ce dernier, connaissant fort bien les étroits liens qui unissaient les deux hommes accédât visiblement sans sourciller ; l'expression déconfite du Ministre suffisait à comprendre que la situation était grave et nécessitait une entrevue rapide, malgré l'agenda officiel.

Entrant dans la pièce, il salua l'Empereur conformément au protocole, malgré le fait qu'ils aient passé les dernières ensemble au sein de l'Allée Royale. Après qu'on lui accordât de prendre la parole, Son Excellence de Varsalance sortit plusieurs documents griffés du Ministère de l'Intérieur et les adressa au souverain impérial.

" Comme nous nous y attendions, la réception de cet arrêté ne s'est pas faite aisément dans les provinces les plus reculées de l'Empire. De nombreux débordements ont eu lieu à Rex Civit, Braserel, Beneline et en Ardanie ; Varsalance semble avoir été épargnée jusqu'à présent en raison de notre relation et de ma place au sein du Gouvernement impérial.

D'ailleurs, voici un rapport du Secrétariat à la Sécurité Intérieure faisant été d'un attentat contre... le cortège du Préfet du Bélière-et-Lande, Antoine Villiers. Les faits remontent à avant-hier et nous n'avons pu avoir connaissance de ceci qu'aujourd'hui ; voilà notamment la raison de ma présence ici. Pour l'heure, rien de dit qu'il y ait un lien entre la prise de cet arrêté et cet acte de rébellion eu égard à sa préparation mais soyez assuré que mes hommes mettront tout en oeuvre pour retrouver les coupables et les faire juger pour ce crime !
Concernant les faits en eux-mêmes, ce rapport relate avec une grande précisions les événements mais pour résumer, un groupe composé d'une dizaine de personnes a fait sauter le coche de Monsieur le Préfet alors qu'il se rendait avec son épouse à l'Opéra de Beneline ; si ce dernier n'a rien eu, sa femme et dix-huit autres personnes sont mortes tandis que trente-six ont été blessées dont huit grièvement. "

S'arrêtant le temps que l'Empereur puisse prendre acte, le Ministre ne put s'empêcher de ruminer dans sa barbe avant de reprendre :

" J'ai d'ores-et-déjà fait renforcer le nombre d'agents de la police impériale dans le chef-lieu et j'ai envoyé depuis Elbêröhnit quelques enquêteurs qui sauront trouver des informations nous permettant de remonter le réseau qui s'est constitué en Eslagne.
Je souhaitais recevoir votre avis afin de faire d'ordonner un couvre-feu à Beneline et ses alentours pour les semaines à venir le temps que nous puissions y voir plus clair. En outre, je pense qu'il serait de bon aloi de décharger monsieur Villiers de ses fonctions afin qu'il puisse faire son deuil correctement et de lui préférer quelqu'un qui saura mettre fin aux troubles. Cela me fait d'ailleurs penser que nous pourrions envoyer monsieur Batignoles sur place pour qu'il puisse nous informer directement depuis là-bas. "

La situation démontrait un profond malaise au sein des différents départements de la Métropole. Cet arrêté démontrait qu'il n'existait plus qu'un territoire uni et indivisible mais certains semblaient regretter les temps anciens, lorsque le pays était morcelé.

L'Empereur se contenta de répondre brièvement, visiblement contrarié et soucieux des évènements. Il se demandait si un mouvement régionaliste, fédéraliste ou encore indépendantiste n'allait pas voir le jour au sein de certains départements à l'identité régionale relativement forte... Les trois départements de l'ancienne Eslagne, la Morne, le Disueluve ou bien encore les quatre départements de l'ancienne Ardanie pouvaient être des foyers de révoltes sans oublier qu'Elbêröhnit était farouchement libérale et républicaine.

- Faîtes ainsi, Varsalance.

Il se plongea alors dans la lecture des rapports des Services Spéciaux.